Article de Psychologies.com
Nostalgie des années d’innocence, désir de se rassurer sur son couple actuel… Nombreux sont celles et ceux qui partent à la recherche de leur amour de jeunesse. Et quelles qu’en soient les raisons, cette exploration n’est jamais inutile.
Macha, 50 ans, a ainsi retrouvé l’homme de sa première histoire, grâce à un site d’anciens élèves. « J’avais 16 ans en 1985, lorsque j’ai rencontré François au lycée. Nous sommes restés trois ans ensemble, et puis je suis partie aux États-Unis pour mes études… Je ne l’avais pas oublié. Et récemment, à un moment où mon couple était en perte de vitesse, et bien que j’aie deux enfants, j’ai eu envie de le recontacter. Il y a beaucoup d’échanges de mails entre nous et beaucoup d’émotion lorsque nous abordons le passé, mais nous ne nous sommes pas encore décidés à nous revoir en vrai. »
Pourquoi, à un moment où l’ennui gagne, choisit-on de retourner sur un terrain déjà balisé plutôt que de se tourner vers l’inconnu ? « Parce que l’amour et les risques qui lui sont inhérents, le cataclysme qu’il peut représenter, font peur, poursuit Alain Héril. Rechercher son premier amour est une façon de créer un peu d’inattendu tout en se protégeant d’un trop grand bouleversement, puisque l’on s’imagine connaître la personne. Même si, au bout du compte, après tant d’années, la donne n’est plus la même. »
L’une des raisons souvent invoquées par les personnes en quête de leur première liaison est leur impression qu’elle a été contrariée par des circonstances extérieures contre lesquelles les amoureux n’avaient pas la force, à l’époque, de lutter – études à l’étranger, pression des parents, déménagement… Se produit alors une sorte d’identification à des couples chers à notre mythologie occidentale – Roméo et Juliette, Tristan et Iseut, Héloïse et Abélard – dont les amours ont été rendues impossibles par l’extérieur. « Ces personnes restent avec une révolte intérieure, une impression d’inachevé, commente Jacques-Antoine Malarewicz, psychiatre et thérapeute de couple, qui peut les conduire, plus tard, à désirer retourner sur les traces de leur passé. De toute façon, pour chacun d’entre nous, la première expérience amoureuse – qu’elle ait été idéale ou cruelle – est extrêmement forte, puisqu’elle signifie la fin de l’enfance, le passage à l’âge adulte et la première rupture avec le milieu familial. D’une manière ou d’une autre, toutes les histoires suivantes se vivent en référence à cette première histoire. »
Retrouver son premier amour, c’est aussi se donner le pouvoir d’effacer d’un coup dix ou vingt ans, comme en témoigne Hélène, 45 ans : « Quand Alberto est passé me voir après vingt-cinq ans sans nouvelles, je l’ai accueilli comme un ami au milieu de mes trois grands enfants et de mon compagnon, avec lequel les choses n’allaient plus très bien. Quatre jours après, nous tombions dans les bras l’un de l’autre. Ce fut quelque chose de fulgurant qui, bien qu’il habite au Brésil, ne s’est pas relâché. Téléphone, SMS, webcam, nous utilisons tous les moyens possibles pour passer du temps ensemble. Je souhaite à toute femme de vivre une telle intensité à 45 ans, un amour d’une beauté pure comme à l’adolescence. Je ne sais plus si je suis dans un rêve ou dans la réalité. J’ai retrouvé mes 16 ans ! »
Les retrouvailles donnent un sentiment de régénération, comme si l’on pouvait être quasi immortel. D’ailleurs, cette nostalgie du premier amour ne germe pas n’importe quand : « Cela arrive le plus souvent lorsqu’un individu éprouve un sentiment d’échec dans sa vie présente et qu’il se prend à croire qu’il serait possible de tout recommencer depuis le début, remarque Alain Héril. Cela accompagne le refus, très prégnant dans la société actuelle, de ce qui décline. Il ne s’agit pas d’une nostalgie physique, car chacun sait que l’on fait de mieux en mieux l’amour au fil du temps. Les amours de jeunesse ne sont d’ailleurs pas les plus sexuelles, même si, surtout pour une femme, l’initiateur peut laisser une certaine empreinte dans le corps. Il s’agit davantage d’une nostalgie relationnelle. » De fait, les anciens amants ne se précipitent pas l’un sur l’autre. Même lorsqu’il y a passage à l’acte, il ne se fait la plupart du temps qu’au bout d’un temps assez long.
Un bilan prometteur
Quand l’un des deux est allé au bout de son désir et qu’il a provoqué la rencontre, que peut-il en attendre ? D’après les témoignages, la déception est souvent au rendez-vous : « Je lui ai téléphoné plusieurs fois, raconte Axelle, 40 ans. Ses “allô” suffisaient à me faire sourire. Puis nous nous sommes revus, et le charme a été rompu. » « Coïncidence extraordinaire, alors que nous nous racontions nos vies, nous nous sommes rendu compte que nos fils portaient le même prénom, confie Julien, 32 ans. Mais ce bain d’adolescence m’a surtout permis de tuer un vieux fantôme et conforté dans le fait que la femme avec laquelle je suis est bien celle de ma vie. »
La déception ne pousse donc pas forcément les protagonistes à conclure qu’ils auraient dû s’abstenir. « Non, en effet, analyse Alain Héril, car il leur a été possible de vérifier qu’ils n’étaient pas passés à côté du grand amour et de mieux évaluer les aspects positifs de leur couple actuel. De plus, quand cette première expérience a été douloureuse, certains errent d’aventure en aventure. Se confronter à ce premier lien permet de comprendre pourquoi cela s’était mal passé et de restaurer une meilleure image de soi. »
Et Jacques-Antoine Malarewicz de conclure : « Dans ce retour du premier amour, il s’agit presque d’une expérience initiatique, une façon de se donner des repères pour mesurer le temps passé. Cet autre devient le miroir indéniable du chemin parcouru depuis la jeunesse. Et la perte d’illusions qu’entraîne souvent cette expérience permet de repartir plus allègrement vers le futur, vers d’autres projets. »